Des indicateurs, comme l'AVK ou le COI, renseignent sur la santé génétique d'une population, ou d'un seul animal. Ils mettent l'accent sur les ancêtres et l'héritage par filiation, mais pas sur la constitution génétique réelle des individus constituant la race.
En effet, l'augmentation régulière de l'AVK depuis 20 ans montre qu'un brassage génétique est intervenu suite aux événements que nous avons identifiés dans le paragraphe consacré à l'AVK (voir ci-dessous).
Mais ce brassage génétique se fait de plus en plus avec des patrimoines génétiques de plus en plus proches les uns des autres. La consanguinité et les goulets d'étranglements (voir les conclusions en bas de page) en sont la cause.
Des études génétiques de masse permettent de donner une vision de cette constitution génétique d'une race, comme cette étude réalisée sur le Bulldog anglais qui semble arrivé au bout de son existence, au moins sur un plan génétique (voir les conclusions en bas de page et ici [4]).
Hors de notre portée, de telles études deviendront peut-être un jour nécessaires pour essayer de sauver toute race arrivée, comme pour le Bulldog, au bout de son chemin.
Il serait préférable de ne pas en arriver là.
AVK, COI, décryptage de ces 2 indicateurs de santé génétique de nos chiens, cliquez ici
Conclusion :
La consanguinité provoque un accroissement de la fréquence des homozygotes, et une diminution de la fréquence des hétérozygotes (fréquences génotypiques).
L'effet le plus caractéristique étant une augmentation de la morbidité pour les maladies autosomiques récessives.
C'est ce contre quoi doit lutter l'éleveur.
Plus la maladie est fréquente, plus le risque relatif causé par la consanguinité sera faible (mais plus le risque d'avoir des parents porteurs sera fort).
Dans le cas de mutations peu répandues, l'APR par exemple, le rôle pris par la consanguinité dans l'expansion de la mutation au sein de la population devient très important. Il y a 6 fois plus de risque d'homozygotie pour l'APR dans un mariage entre demi-frère - demi-sur que dans un mariage non consanguin.
Les conséquences de la consanguinité à léchelle dune population :
Dans la mesure où la consanguinité accroît la probabilité d'homozygotie, il est facile de comprendre qu'elle accroît le risque de pathologie récessive résultant de la présence d'une éventuelle mutation morbide chez l'un des ancêtres communs du couple apparenté.
Le COI calcule la probabilité qu'un chien possède pour un gène donné deux allèles identiques par descendance. C'est à dire que le chien soit homozygote pour un trait particulier de sa physionomie ou de son aspect. Mais aussi, qu'il soit homozygote pour un allèle délétère entraînant une maladie qui pourrait être grave
et mortelle.
S'appliquant à des maladies récessives autosomiques, les allèles délétères vont se répandre silencieusement en profondeur dans une race avant d'en laisser apparaître les effets dévastateurs lorsque la population d'homozygotes mutés deviendra suffisamment importante.
D'où la nécessité de connaître le statut génétique des reproducteurs pour les principales mutations affectant la race. Il est indispensable de les faire tester pour les mutations connues disposant d'un test de dépistage et, ensuite, faire les bons choix d'accouplements, afin d'éviter le risque de produire des chiots homozygotes mutés.
L'AVK aurait un seuil critique de 70% sous lequel il ne faudrait pas descendre (une donnée pour laquelle je n'ai aucune confirmation scientifiquement établie).
La FCI recommanderait que les COI ne dépassent pas 10%. Là aussi, je n'ai pas pu confirmer le chiffre.
Le Professeur Jean-François COURREAU (Service de Zootechnie, Ecole nationale vétérinaire d'Alfort) donne le chiffre d'un coefficient de consanguinité de 0,25 (25%) à ne pas dépasser.
Un chiffre qui semble excessif. 25% de consanguinité correspond à un mariage père x fille (ou mère x fils), ou frère x sur.
L'expression de gènes récessifs est favorisée par de tels niveaux de consanguinité en l'absence de précautions préalablement à l'utilisation à grande échelle d'un étalon.
Concernant la DM, par exemple, il est possible de connaître le statut génétique d'un chien pour une mutation donnée si on connait le statut de leur descendance pour cette mutation. On découvre ainsi que certains étalons fortement utilisés en reproduction ces dernières décennies sont hétérozygotes pour la DM.
Ils ont transmis la mutation à la moitié de leur descendance qui se compte en centaines d'individus.
Aujourd'hui, une telle situation en devrait plus être possible si les reproducteurs étaient dépistés pour les mutations connues.
Le cas du Bulldog anglais est révélateur du risque qui plane sur toutes les races canines [4].
Arrivé au bout de l'évolution possible de sa race, brasser ses gènes (retrempe) devient pour lui une question de survie. Aux nombreux problèmes touchant son squelette, la race souffre d'allergies, de déficit immunitaire, et un certain nombre de maladies auto-immunes. Des problèmes immunitaires provoqués par une trop faible diversité génétique,
notamment dans une région du génome où se trouvent des gènes impliqués dans la réponse immunitaire.
La dermatomyosite canine familiale (Familial canine Dermatomyositis) est une maladie héréditaire inflammatoire rare de la peau et des muscles chez des animaux jeunes, âgés le plus souvent de 2 à 6 mois. Initialement décrite chez le Colley et le Shetland, d'autres races sont également concernées : Chow-Chow, Labrador, Welsh Corgi, Beauceron, Bergers
Australiens, Bergers de Beauce et Berger Allemand.
Leigh Anne Clark, scientifique américaine, mène actuellement des études sur la dermatomyosite canine familiale chez le Colley et le Shetland.
Elle a identifié 3 gènes de cette même région citée chez le Bulldog qui seraient impliqués dans l'apparition de la maladie.
Homozygote pour l'un d'eux (gène DLA-DQA1 [5]), le Colley pourrait bien souffrir d'une trop faible diversité génétique qui serait responsable, comme chez le Bulldog, de divers problèmes immunitaires comme la dermatomyosite canine familiale.
Des indicateurs, comme l'AVK ou le COI, renseignent sur la santé génétique d'une population, ou d'un seul animal. Ils mettent l'accent sur les ancêtres et l'héritage par filiation, mais pas sur la constitution génétique réelle des individus constituant la race.
En effet, l'augmentation régulière de l'AVK depuis 20 ans montre qu'un brassage génétique est intervenu suite aux événements que nous avons identifiés dans le paragraphe consacré à l'AVK. C'est une bonne nouvelle, mais ce changement d'évolution fait peut-être suite au phénomène inverse, à savoir une réduction
des AVK causée par un système de reproduction en vase clos propre à chaque pays.
En génétique, ce phénomène est appelé goulet d'étranglement, bottleneck en anglais. Il y en a de nombreux, liés souvent aux conditions environnementales d'une période donnée. Par exemple : Le colley a failli disparaître pendant la 1ère guerre mondiale. La race s'est ensuite reconstituée à partir de quelques éléments
seulement. Le même phénomène s'est reproduit avec la seconde guerre mondiale. A chaque fois les effectifs repartent ensuite à la hausse, mais avec des patrimoines génétiques réduits par la consanguinité causée par ces goulets d'étranglement.
Il apparaît vital de prendre en considération ces éléments le plus tôt possible, et ce, tant que la race conserve une population suffisamment importante.
L'exemple du Bulldog anglais doit nous faire réfléchir sur le risque inhérent au chien de race.
Références:
- [1] Thèse BILAN DE LA DIVERSITE ETHNIQUE CANINE ET DES PRATIQUES DE GESTION GENETIQUE DANS LES CLUBS DE RACES CANINS EN FRANCE - ENV D'ALFORT - Catherine DUMORTIER 2002, cliquez ici
- [2] Génétique des populations - Collège National des Enseignants et Praticiens de Génétique Médicale - N. Philip, cliquez ici
- [3] The Genetic Impoverishment of the Azawakh Breed. Written by Elisabeth Naumann , cliquez ici
- [4] A genetic assessment of the English bulldog, Niels C. Pedersen, Ashley S. Pooch and Hongwei Liu, Canine Genetics and Epidemiology2016, cliquez ici
- [5] Frequency and distribution of alleles of canine MHC-II DLA-DQB1, DLA-DQA1 and DLA-DRB1 in 25 representative American Kennel Club breeds, cliquez ici