L'arbre généalogique du Colley.
La domestication du chien remise en cause?
Un crâne de canidé retrouvé dans la grotte de Goyet (Belgique) est celui du plus vieux chien domestique connu. Il est daté de -31 700 ans, ce qui correspond à l'Aurignacien (Paléolithique supérieur). Avant cette découverte les
plus anciens ossements de canidés identifiés comme étant du chien avaient été découverts dans une sépulture dans la grotte dOberkassel, près de Bonn en Allemagne. Ils ont 15 000 ans. Pour sa part, Jean-Denis Vigne (nous
le verrons plus loin), archéozoologue de renom, a décrit un humérus découvert dans la grotte basque d'Erralla. Il appartient à un chien et est daté de 17 000 ans.
Le crâne de canidé de la grotte de Goyet
Bien que les preuves de l'existence du chien en Europe augmentent sensiblement à l'époque postglaciaire, on n'en a encore trouvé aucune trace dans la Suisse du Mésolithique. Ses ossements sont en revanche souvent présents dans les sites néolithiques
européens. On le retrouve sur tous les sites lacustres (palafittes) alpins. Les palafittes peuvent être regardés comme caractérisant, dans l'Europe occidentale, la dernière phase de l'âge de pierre, l'époque de la pierre polie. Rütimeyer
en fit une étude minutieuse n'y reconnaît, aussi bien pour l'âge du bronze que pour le néolithique, qu'une seule race de chien se rapprochant de nos chiens de chasse, intermédiaire entre nos chiens courants et nos chiens d'arrêt (Rutimeyer, Die
Fauna der Pfahlbauien m der Sçhweiz, 1861, in- 4°, 6 planches). Le chien des palafittes suisses était donc de taille moyenne, prenant un plus grand développement dans les stations de l'ouest. Les Autrichiens ont désigné la race de chien des palafîttes
suisses sous le nom de Canis familiaris palustris, chien domestique des marais. Les archéologues de cette fin de 19ème siècle ont essayé de rapporcher les différentes races actuelles avec les ossements préhistoriques trouvés en abondance
en cette époque très riche sur le plan archéologique. Chaque crâne découvert donnait lieu à une étude minutieuse richement documentée et faisait l'objet d'une publication scientifique.
De nombreuses variétés ont ainsi été décrites. A chacune étant attribuée un nouveau nom. Citons en quelques-uns:
Canis familiaris spaletti dont l'existence se situerait à la fin de la pierre polie et début du bronze était plus petit que le canis familiaris palustris.
Canis familairis matris optimae, beaucoup plus grand que le chien des tourbières et atteignant la taille d'un chien de berger. Il était caractérisé par un museau relativement beaucoup plus allongé, rentrant ainsi dans la catégorie des lévriers.
Il provient d'Olmutz.
En 1878, J. N. Woldrich a ajouté une troisième vatiété, intermédiaire entre les deux précédentes comme taille et surtout comme développement de la tête; aussi l'a-t-il appelée chien domestique intermédiaire,
Canis familiaris intermedius. Découvert dans les stations de la basse Autriche et qui aurait donné naissance au chien de berger. Il l'attribue à l'âge du bronze.
Ce sont les principales variétés décrites. Citons encore Canis Le Mirei dont la description sera faite par Edmond Hue: "Le crâne que je vais étudier m'a été communiqué par M. L. À. Girardot, conservateur du Musée
de Lons-le-Saunier. M. Girardot l'a trouvé, en 1899, dans la couche archéologique qu'il fouillait, « à l'extrémité d'une sorte de presqu'île, dite MotU « du Magnin. Le crâne appartient à un chien de la taille d'un épagneul.....De
l'examen comparatif que je viens de faire, il résulte que lé chien des palafittes de Clairvaux ne peut être comparé à aucun des chiens quaternaires connus et que nous avons une espèce nouvelle, que je propose de nommer Canis Le Mirei du nom
du savant chercheur qui le premier a fouillé et décrit la station de Clairvaux.
"Etude sur un nouveau chien des Palafittes de Clairvaux : Canis Le Mirei [article]
Edmond Hue
(Bulletin de la Société préhistorique française Année 1906 Volume 3 Numéro 7 pp. 279-295)"
Nous pouvons ajouter Canis Girardoti, Canis familiaris Leineri, Canis familiaris Poutiatini.
Ou encore cet échange entre 2 archéologues: Laurent Rabut et Gabriel de Mortillet:
- "En 1866, Laurent Rabut, un des actifs fouilleurs des palafittes larnaudiennes du lac du Bourget, me consultait sur les ossements qui en proviennent. A propos du chien, je lui adressai la réponse suivante :
« Permettez-moi de revenir sur la mâchoire de chien. Pour moi, cette mâchoire est capitale. L'individu, bien que jeune encore, était de forte taille. La mandibule est courte, fortement arquée, se relevant en avant, ce qui montre que le chien auquel
elle appartenait avait le museau court et le nez, retrousse, que c'était un animal se rapprochant du dogue. »
-Le chien [article]
Mortillet (Gabriel de)
(Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris Année 1889 Volume 12 Numéro 1 pp. 425-452)-
Planche comparative de différents crânes de chiens (source: site persee.fr)
Les tentatives des archéologues de reconstituer la lignée des races actuelles à partir des ossements préhistoriques sont aujourd'hui abandonnées et il en va de même pour la classification de ces derniers en diverses races. Seule la dénomination
"chien des tourbières" (Canis familiaris palustris) est encore occasionnellement utilisée pour désigner un type de chien, petit à moyen, à crâne lupoïde et d'une hauteur aux épaules de 33 à 55 cm, bien répandu
dans les stations littorales néolithiques des pays alpins et qui semble être le type général du chien qui vivait dans toute l'Europe de l'Ouest à cette époque.
Ce qu'il faut toutefois noter est cette très grande diversité morphologique qui existait déjà durant cette période néolithique. Sans doute les prototypes des futurs courants de sang qui amèneront toutes nos races canines. Soit par isolat
géographique et régional, soit par mélange avec des courants de sang amenés par les migrations qui vont se succéder: le type molossoïde par exemple. Soit par le fait du hasard.
Tout aussi intéressant est cette étude faite par M Franki Moulin et Edmond Hue en 1904 sur un humérus de chien moustérien de la grotte de Châteaudouble (Var).
Nous retrouvons un article publié en 1907 dans le Bulletin de la Société préhistorique française (Année 1907 Volume 4 Numéro 8 pp. 417-423)
- "M. Franki Moulin, membre de la Société Préhistorique de France, publiait en 1904, dans le Bulletin de la Société d'Etudes scientifiques et archéologiques de la ville de Draguignan (1), le résultat de ses recherches dans la
caverne moustérienne de Chateaudouble (Var), et signalait le Canis familiaris parmi la faune de cette caverne. La présence du chien dans une grotte moustérienne bien datée était d'autant plus intéressante que M. Moulin trouvait dans la même
grotte du lion et du léopard, d'après les déterminations de M. le professeur Déperet, de - Lyon.
Je vous présente comparativement un humérus de loup de France, de volume équivalent à celui du canidéde Châteaudouble et par suite de taille à peu près égale. De l'étude des mensurations de ces deux os, il résulte
que l'os du Canidé moustérien est bien du Canis familiaris.
Traces de silex.
Non seulement l'humérus du chien de Chateaudouble est intéressant au point de vue de son gisement; mais il est beaucoup plus remarquable à cause des traces de travail humain qu'il présente. Ces traces sont de trois sortes : 1° des entailles ; 2°
des rayures de silex; 3° des empreintes.
Toutes ces traces présentent le même aspect et la même patine que le reste de l'os. Plusieurs sont encore garnies de gangue et d'autres présentent en leur fondles mêmes traces noirâtres qu'à leur pourtour. Elles ont donc été
faites sur l'os frais. Leur localisation aux insertions tendineuses du brachial interne est assez explicite en indiquant qu'elles sont dues à l'enlèvement des chairs. Nous en concluons, purement et simplement, que le chien était mangé par l'homme moustérien
de Chateaudouble."
(L'ÉPOQUE MOUSTÉRIENNE: On donne ce nom à l'une des périodes de la Préhistoire qui s'étend environ de 95 000 à 40 000 ans avant nous.)
Notons également la découverte faite dans la grotte Chauvet de traces de pas d'un enfant et d'un canidé dont la disposition alternées et parfois superposées ne laissent pas de doute sur la relation amicale qui existait entre ces 2 êtres. L'Institut
de Biologie et de Technologies de Saclay mène d'ailleurs une étude des canidés de la grotte Chauvet afin dévaluer la solidité de lhypothèse de la présence du chien, et son éventuelle domestication, quelque 20 000 ans
avant la sédentarisation des populations humaines.
Reste le point de la domestication du chien.!
Les généticiens ont déterminé que chiens et loups partagent une origine commune. La scission serait intervenue il y a 100 000 ans. Données remises en cause depuis avec de nouvelles études génétiques qui repousseraient de plus
de 300 000 ans cette séparation.
Le loup ne peut pas être apprivoisé. Nous pouvons raisonnablement penser que cette mutation génétique intervenue il y a très longtemps (100 000 ou 450 000 ans, peu nous importe) chez un loup a permis à sa descendance de supporter et de s'adapter
progressivement à la proximité permanente de l'être humain. Le loup ne peut pas être domestiqué, à la différence du chien. Cette lente évolution, appelée pédomorphose par Darcy Morey, (L'origine du plus vieil ami de
l'homme), archéologue à l'Université du Kansas, se traduira par les modifications morphologiques exposées ci-dessus résultant d'un rapprochement de ces ex-loups et futurs chiens.
La domestication du chien répondrait donc à 2 étapes préalables:
- Le commensalisme (du latin co-, « avec » et mensa, « table », e.g. « compagnon de table ») qui est une association entre 2 êtres vivants. L'un tirant parti de l'autre mais en lui apportant aussi quelque chose en échange.
- Puis vient la phase d'apprivoisement.
Achilles Gautier avance 2 autres théories. "L'étude des rapports entre aborigènes australiens et dingos révèle la possibilité d'une autre fonction peu connue. Pendant les nuits très froides du désert australien, hommes
et dingos se blottissent les uns contre les autres afin de mieux se tenir chaud.
Enfin, certains attirent l'attention sur le rôle psychologique du chien comme animal de compagnie, qui aide l'homme à conserver son équilibre psychologique. Plus spécifiquement, les jeunes chiens pourraient avoir été des substituts d'enfants.
Tout comme les groupes humains récents vivant de chasse et de cueillette, l'homme du Paléolithique se trouvait confronté à une mortalité considérable de nouveau-nés et de jeunes enfants. Les chiots jouaient-ils alors un rôle dans
l'apaisement des mères concernées ?". Cette seconde hypothèse pourrait s'appliquer aux 2 squelettes trouvés à Ein Mallaha.!
Actuellement, sur la base d'analogies avec les sociétés humaines contemporaines vivant selon un mode préhistorique, on pense plutôt que de jeunes louveteaux ont été ramenés au campement.
Ces animaux faisaient l'objet de soins de la part des femmes et étaient conservés pour diverses raisons: affectives ou pratiques comme le pense Achilles Gautier, alimentaires, religieuses
Le chien aurait donc été au départ un animal de compagnie.
Plus tard seulement, on se serait rendu compte de leur utilité pour la garde et la chasse.
Toutes ces découvertes récentes doivent nous faire réviser notre position vis-à-vis de la domestication du chien. Elle n'est pas née avec la révolution néolithique. 20 000 ans avant celle-ci, hommes et chiens cohabitaient déjà.
Le néolithique, en sédentarisant les populations permettra simultanément d'engager une lente spécialisation des chiens (garde, chasse, activités pastorales) ainsi qu'une régionalisation des variétés. Ce seront les bases fondatrices
des futures races locales. Contrairement aux idées généralement admises, les récentes études génétiques tendraient à prouver que les populations canines de ces temps reculés étaient plus diversifiées qu'aujourd'hui.
(plus d'info à ce sujet, cliquer ici).
Compte tenu de la faible mobilité des chasseurs du Paléolithique supérieur à l'échelle macro-régionale (Djindjian et al. 1999), la dispersion des points matérialisant la présence du chien sur la carte ci-dessous invalide la thèse
d'une domestication du chien en un point unique qui se serait ensuite répandue au travers des territoires....Et acrédite la thèse selon laquelle le chien se serait auto-domestiqué.
Le chien s'est domestiqué lui-même!
Depuis Darwin, la domestication est considérée comme le geste fondateur de la «sélection artificielle», action par laquelle l'homme se substitue à la nature pour diriger l'évolution d'une espèce. La première espèce
à avoir été domestiquée serait le chien. Admettons le, c'est une théorie qui flatte avant tout la vanité humaine.
En réalité, la pédomorphose décrite par Darcy Morey s'est faite d'elle-même, parce que le chien l'a bien voulu. Nous rejoignons là, et adhérons totalement aux propos développés par Raymond Coppinger sur ce sujet: "Ce
n'est pas l'homme qui a domestiqué le chien, c'est le chien qui est venu à l'homme. Il s'est domestiqué lui-même".
Laissons à Hubert Montagner, Directeur du laboratoire de psycho-physiologie de la Faculté des Sciences de Besançon, donner avec une grande simplicité sa conception de ce qui restera encore longtemps une énigme pour beaucoup:
- "La rencontre entre l'homme et le chien n'est pas le fait du hasard, mais le résultat d'une "programmation génétique" leur donnant la faculté d'agir en interaction l'un par rapport à l'autre. Chacun est doté de clés
spécifiques qui ouvrent chez l'autre des serrures analogues"
Conclusions:
Une très grande diversité morphologique existait déjà durant cette période néolithique et pré-néolothique.. Sans doute les prototypes des futurs courants de sang qui amèneront toutes nos races canines.
Paléolithique. (jusqu'à - 10 000 ans) Quelques stations paléolithiques d'Europe fournissent les plus anciennes traces de chiens découvertes à ce jour:
- La grotte de Châteaudouble (Var) et la description d'un humérus de Canis familiaris datant de l'époque MOUSTÉRIENNE (95 000 à 40 000 ans avant nous.)
- La grotte de Goyet et le crâne d'un chien vieux de 31 700 ans
- La grotte Chauvet et les surprenantes empreintes mêlées d'un chien et d'un enfant (estimation - 25 000 ans)
- La grotte d'Erralla et l'humérus d'un chien ayant vécu il y a 17 000 ans.
- La grotte dOberkassel, près de Bonn en Allemagne, et des ossements d'un chien datés de - 15 000 ans.
Cliquer pour agrandir
Néolithique et bronze: Une fois domestiqué, de lui-même ou avec l'aide de l'homme, le chien s'est rapidement répandu. Aussi, à partir du commencement du néolithique, le retrouvons-nous partout. Sur treize palafittes néolithiques ou de
l'âge de bronze, du pourtour des Alpes, dont la faune a pu être étudiée, toutes contenaient le chien.
La "révolution néolithique":
Elle apparaît simultanément sur les différents continents et accompagne l'évolution humaine. Une période fondamentale pour notre civilisation commence il y a 12 à 15 000 ans. Une période que les chercheurs appelleront la "révolution
néolithique" et qui va durer environ 7000 ans. Il est admis, en ce qui concerne le continent européen et eurasien, qu'elle a pris naissance dans une région appelée le croissant fertile et s'est déplacée vers l'ouest, le nord et l'est au
rythme de 25 Km par génération. La révolution néolithique, une expression introduite par l'archéologue australien G Childe, fait référence à un changement radical et rapide de la condition humaine. L'homme est passé d'une
économie de prédation (chasse, cueillette) à une économie de production basée sur l'agriculture et l'élevage.
Agriculture, élevage: la révolution néolithique est en marche
Les éléments y ont contribué.
La dernière glaciation, la glaciation de Würm, connaît un maximum glaciaire il y a environ 18 000 ans et prend fin il y a 10 000 ans. Elle laisse place à l'époque géologique que nous connaissons encore aujourd'hui: l'Holocène.
De grands changements climatiques se sont alors produits. Le Sahara s'est transformé en désert et de nombreux lacs sont devenus des étendues arides. Les zones habitables se sont décalées
vers le nord. Le niveau de la mer était alors 120 mètres plus bas et l'Angleterre, par exemple, était parfaitement accessible à pied. Quant à la calotte glaciaire...Elle couvrait une bonne partie de l'hémisphère nord, atteignant l'Angleterre
et recouvrant la moitié de l'actuelle Allemagne. La fin de la glaciation de Würm marque la fin des mammifères géants. La végétation change, le gibier devient plus rare et plus petit. L'actuel Moyen-Orient connaît une période d'humidité
relative permettant le développement de civilisations pastorales.
Le figuier serait la première plante cultivée par l'homme au néolithique, dès - 11400 ans selon des recherches menées par une équipe de chercheurs israélo américaine.
Qui dit culture, dit aussi sédentarisation de l'homme qui n'a plus besoin de mener une vie nomade à la poursuite des troupeaux de gibier. L'archéologue Jean-Perrot découvre en 1955 les traces d'un village datant de - 12500 à - 10000 ans à Ein
Mallaha au nord d'Israël.
Chien ou loup, comment faire la différence?
La modification de la vie du chien a entraîné un certain nombre de modifications morphologiques de celui-ci par rapport au loup: Réduction de la taille et du volume crânien - allègement général des formes - raccourcissement du chanfrein
- aplatissement de la bulle tympanique - modifications dentaires, les dents sont plus petites mais restent larges, présentant une implantation plus serrée. Ces modifications morphologiques sont le résultat d'une évolution, longue sans doute, à proximité
de l'homme. Ces chiens mangent une nourriture plus molle que les loups et se déplacent moins que le loup pour les obtenir.
Chien ou loup, comment faire la différence?
Voici une étude réalisée par le Muséum d'Histoire Naturelle de Toulon (cliquez ici)
Le crâne du loup se différencie surtout du crâne du chien par :
La taille des carnassières supérieures et inférieures qui sont entre 15 et 20 % plus grandes que celles du chien. Cela est vital pour un animal qui doit broyer des os de fort diamètre.
L'angle orbital est beaucoup plus fermé chez le loup que chez le chien (environ 15 à 20 %) cela est dû à la projection vers l'extérieur de l'arcade zygomatique, en relation avec des masses musculaires plus importantes chez le loup. Cette mesure
est à utiliser avec précaution car certaines races de chiens ont un angle orbital voisin de celui du loup
Enfin, pour des animaux ayant une même longueur de crâne, le volume crânien du loup est en moyenne plus de 30 % supérieur à celui du chien, dont il est l'ancêtre. La diminution de la taille du cerveau chez l'animal domestique, par rapport
à son ancêtre sauvage, est un phénomène assez général (qui avait déjà été remarqué par Darwin) et que l'on retrouve chez le porc, le chat et même chez le canard. Cette réduction, et plus
spécialement celle du néocortex, traduit le fait que le cerveau de l'animal domestique n'est plus capable d'intégrer autant d'informations en provenance des organes des sens (vision, ouïe et odorat en particulier). L'animal domestique a une perception
amoindrie du milieu qui l'entoure..
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L'appréciation de la morphologie d'après des restes osseux vieux de 10 ou 12 000 ans reste toutefois difficile à faire. Le raccourcissement du chanfrein n'est effectif qu'en sa partie antérieure sur ces premiers chiens, ou du moins identifiés pour
l'être. Larchéozoologue et écrivain Achilles Gautier ("La domestication - Et l'homme créa l'animal
") écrit ceci:
- La découverte d'Oberkassel « faite dans une double sépulture qui contenait les restes d'un homme assez âgé et d'une jeune femme. Le canidé est représenté par plusieurs vestiges dont un fragment de mandibule identifiée
depuis plusieurs décennies comme étant celle d'un loup. Elle a été à nouveau analysée, à Cologne, par Günther Nobis. Or, cette mandibule se distingue de celle des loups du paléolithique supérieur de l'Europe centrale
par sa taille plus petite. De plus, les deuxième et troisième prémolaires manquent et les alvéoles correspondants sont absents, ce qui pourrait indiquer une anomalie congénitale. On a donc conclu au statut domestique de la mandibule d'Oberkassel
d'après ces deux critères : la taille médiocre et la présence de modifications pathologiques...
- Une deuxième trouvaille, également en Europe, publiée pour la première fois en 1974, provient des couches magdaléniennes (11 000 avant J.C.) de la Kniegrotte ou " caverne du genou " en Thuringe (Allemagne). Dans cette grotte, ont
été trouvés plusieurs ossements de canidé. D'après l'archéozoologue tchécoslovaque Musil, ce canidé se distingue ici encore du loup du paléolithique supérieur européen par sa petite taille, mais aussi par
le resserrement des dents jugales...
- Deux trouvailles du Proche-Orient nous intéressent plus spécialement. La première concerne un tout jeune canidé déposé dans la tombe d'une personne âgée dans le site natoufien d'Aïn Mallaha en Israël (photo
ci-dessus); l'inhumation aurait eu lieu il y a 13 500 ans. Ce canidé est trop jeune pour que l'on puisse décider de son identité : louveteau ou chiot. Il souligne, néanmoins, les rapports affectueux qui ont pu exister entre hommes préhistoriques
et jeunes animaux. »
Le phénomène d'acculturation.
La néolithisation s'est répandue dans toute l'Europe au rythme de 25 Km par génération. De meilleures conditions de vie ont favorisé l'expansion démographique. Si l'élevage et la culture des sols sont un progrès indéniable
pour l'homme, la chasse reste vitale pour sa survie. Les migrants se fondent peu à peu dans le tissu humain local apportant leur savoir, mais apprenant aussi les techniques des populations locales. C'est le phénomène d'acculturation.
Sur le trajet du courant rubané, les hommes ont traversé l'habitat d'un chien (ou l'ancêtre d'un chien) qui a été appelé canis familiaris palustris du nom des tourbières dans lesquelles ses ossements ont été retrouvés.
Son habitat couvrait tout le massif alpin mais allait bien au delà.
Les fouilles réalisées sur le site de Chalain en France entre Jura et Bresse ont permis de retrouver des colliers réalisés avec des dents de carnivores (ours, loup et chien) et plus fréquemment de petits os perforés de carnivores, où
le chien et le loup, bons chasseurs en meute, sont les mieux représentés. (visitez le site web consacré aux fouilles de Chalain en cliquant ici)
Les plus anciens découverts à ce jour sur le territoire de la Suisse actuelle proviennent de la station magdalénienne d'Hauterive-Champréveyres au bord du lac de Neuchâtel et datent d'environ 13000 av. J.-C..
Les archéologues retrouvent des traces de ce chien bien au delà des paysages alpins. Dans la vallée de la Cisse (Loir-et-Cher) par exemple "Au sein de cet ensemble, les restes d'animaux sauvages dominent largement, contrairement à ce qui est classique
pour les sites de cet âge. Ainsi, l'espèce la mieux représentée est le cheval (Equus caballus). La forme domestique la plus abondante est le boeuf (Bos taurus brachyceros), suivi à égalité par le mouton (Ovis aries palustris) et
le chien (Canis familiaris palustris). Certains spécimens de cette dernière espèce ont été consommés" La faune néolithique de la région
d'Averdon, vallée de la Cisse
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Ossements de chien retrouvés à Chalain (30eme siècle av JC)
Dents d'ours et de chien
destinées à être montées
en collier.
(Chalain 30eme siècle av JC)
Pendeloques sur petits os
de chien et de renard.
(Chalain 31eme siècle av JC)
A voir sur le site
consacré aux fouilles,
cliquez ici
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Le chien accompagne dorénavant l'homme dans son expansion. Chien dont la condition n'est pas spécialement enviable. Il est une aide pour la chasse ou la protection des biens et du bétail...Accessoirement il est une réserve de nourriture pour l'homme.
Il doit donc se croiser librement avec les chiens qui accompagnent les nouveaux arrivants, et inversement. Notre actuel chien de Canaan (voir page suivante) a peut-être accompagné les hommes partis du Moyen-Orient en direction de l'ouest. Sans doute s'est-il accouplé
aux chiens rencontrés tout au long de la route. A-t-il rencontré ce canis familiaris palustris avec le courant rubané? A-t-il rencontré le futur Euskal Artzaik Txakurra avec le courant cardial arrivé en France par le sud?. Se sont-ils rencontrés
une nouvelle fois à la frange de la civilisation des mégalithes (arc Atlantique) avec les néolithiques du rubané installés dans toute la France du centre et du nord?
Le phénomène d'acculturation a forcément favorisé le brassage des différents canidés aboutissant, après quelques milliers d'années, à une diversité dans les types canins encore plus grande.
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Toutes ces découvertes prouvent que le chien s'est domestiqué en fréquentant l'être humain depuis au moins 30 000 ans. La domestication ne vient pas d'un endroit en particulier mais accompagne l'explosion humaine partout sur Terre. Le changement observé
au Moyen-Orient l'est aussi en Chine du nord, au Sahara et dans la Cordillère des Andes. Les fouilles archéologiques semblent d'ailleurs apporter des preuves que la domestication était perceptible simultanément sur tous les sites où vivaient les hommes
et que plusieurs sous-espèces de loups ont permis de diversifier l'animal qui allait devenir le chien. Les glaciations ont sans doute joué ce rôle d'élément diversificateur en isolant dans des sanctuaires des variétés de loups. Ils s'y
seraient développés, confortant leur différence génétique. Puis, au profit des réchauffements interglaciaires, auraient essaimés, favorisant ainsi l'émergence de types variés..Une thèse développée par
Jean-Denis Vigne.
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